Selon une enquête commandée par DAZN, le piratage IPTV prive la Ligue 1 de recettes équivalentes à la totalité de ses droits TV. Un mal structurel qui fragilise tout l’écosystème du football français.
Le chiffre fait froid dans le dos : 400 millions d’euros. C’est l’estimation du marché noir généré par le piratage IPTV en France. Une somme vertigineuse, à la hauteur des droits télévisés actuels de la Ligue 1. Derrière ces flux illégaux se cache un réseau aussi organisé que lucratif, qui sape les ambitions des diffuseurs… et des clubs professionnels.
Une enquête au cœur des réseaux illégaux
À la demande de DAZN, qui diffusait la Ligue 1 jusqu’à l’été 2025, une mission d’investigation a été menée pendant trois mois pour mesurer l’impact réel du piratage IPTV. Résultat : une économie parallèle de milliers de flux réencodés, fournis via des boîtiers « plug and play » vendus pour une cinquantaine d’euros par an.
Philippe Dewost, expert en cybersécurité, décrit un système rôdé : « Vous payez en cash, vous donnez votre numéro, et vous repartez avec un boîtier préconfiguré. Ensuite, votre numéro finit souvent sur le Dark Web… » Le piratage n’a rien d’artisanal : ses serveurs sont répartis entre l’Europe de l’Est, l’Asie et même la Chine. Derrière ces plateformes, des groupes criminels liés à d’autres trafics, comme les stupéfiants.
8 millions de boîtiers actifs, un manque à gagner colossal
Selon les estimations livrées à DAZN, 8 millions de boîtiers IPTV circuleraient déjà en France, un chiffre qui pourrait grimper à 9 millions d’ici Noël. En moyenne, les utilisateurs payent 50 € par an, soit un manque à gagner potentiel de 400 millions d’euros pour l’écosystème du foot français.
Un chiffre à mettre en regard avec les droits TV que DAZN s’était engagé à verser à la LFP pour une saison complète, avant de jeter l’éponge, plombé par une base d’abonnés insuffisante. « Le piratage a clairement empêché DAZN d’atteindre ses objectifs », rappelle Dewost. Si l’on ajoute les défauts de communication et un tarif élevé, c’est un cocktail explosif qui a précipité le retrait du groupe.
Une riposte jugée trop faible et trop lente
Le passage de DAZN à Ligue 1+, lancé à la hâte en août 2025, n’a pas changé la donne. Les flux illégaux restent disponibles, sans interruption notable. Pour Dewost, les actions de l’ARCOM – régulateur des médias – sont insuffisantes : « Même lorsque des flux sont coupés, les boîtiers continuent de fonctionner. Les pirates ont toujours un coup d’avance. »
L’expert appelle les clubs à s’impliquer : « Un club doit protéger ses revenus comme un supermarché protège sa marchandise. » En Italie, en Espagne ou en Angleterre, les diffuseurs coopèrent avec les autorités pour bloquer efficacement les flux pirates. En France, la réactivité manque encore.
La LFP, consciente de l’urgence, a inscrit le sujet à l’ordre du jour de son assemblée générale du 4 décembre. Son objectif ? Convertir les pirates en abonnés. Mais tant que le projet de loi anti-piratage n’avance pas, la Ligue 1 continuera de perdre chaque année l’équivalent de ses propres droits TV.
Source : L’Équipe

